Déjeuner chez les tantes!

Tous les cousins sont invités à déjeuner chez les tantes. Ma sœur et moi nous avons décidé d’arriver le plus tôt possible. Nous n’avons pas eu la force de faire à manger ce matin, encore moins après un samedi soir arrosé.

Les tantes ne sont pas bêtes, elles savent que notre arrivée anticipée est révélatrice d’une gueule de bois carabinée et d’un manque d’envie de faire à manger. Elles ont déjà pris leur petit déjeuner plusieurs heures avant : un bon bol de chocolat chaud et un morceau de pain. Il faudra attendre le déjeuner avec le ventre vide et musical (il fait des gargouilles). Je m’installe au salon où ma tante Pocha a déjà disposé le jeu de petits chevaux. Une tradition familiale, peut-être trop colombienne. 

La légendaire bagarre pour choisir la couleur des pions est de retour, je finis par prendre les jaunes malgré ma détestation assez connue pour cette couleur. La tante Magola jouera aussi, mais avec les pions rouges. Elle a pris la couleur que je voulais pour rien, car elle aura un œil sur le jeu et un autre sur le fourneau. C’est elle qui est en charge du repas d’aujourd’hui. 

Magola est la seule des trois sœurs qui n’est pas experte en cuisine et lorsqu’on découvre qu’elle est en charge du déjeuner, on sent les frissons.

La tante Pocha continue la bagarre avec ma sœur toujours en raison de la couleur des pions. Leurs traits de caractère sont tellement similaires qu’un inconnu pourrait penser qu’il s’agît de mère et fille. La tante Pocha est une gagnante et elle n’est se laisse pas faire. Comme d’habitude elle a eu les pions qu’elle voulait et de plus c’est elle qui démarre le jeu.

Je me demande toujours pourquoi les tantes gardent les pions et les dés dans une vieille boite qui abrite de boutons, de fils et un mètre de couturier. Mes détestables pions jaunes sont de tailles différentes, certains semblent avoir été mordus par un cousin plus jeune ou par le chien,  d’autres ne restent pas débout sur le plateau de jeu. Quand mon tour de jouer arrive, je me rends compte que mes partenaires utilisent trois dés, au lieu des deux réglementaires. Elles lancent les trois, puis elles choisissent les deux chiffres les plus avantageuses pour avancer et gagner.

Je n’ai jamais joue comme ça mais il paraît évident qu’il faudra tricher si je ne veux pas finir la dernière. Pendant qu’elles discutent, je profite pour sortir tous mes pions des écuries et je commence à avancer. La tante Magola découvre la triche et se décide à utiliser son discours moralisateur pour mettre fin à ma participation au jeu. Elle m’envoi surveiller sa sœur et à vérifier si le déjeuner sera bientôt prêt. Tout le monde a faim. 

Ma cousine Sofia la plus âgée de tous les cousins est arrivée. Elle est en train d’essayer les pyjamas que la couturière de la rue, Madame Ruth, a conçu pour elle. Dans quel moment ma cousine aînée, la plus intelligente, s’est laissé séduire- plutôt embobiner par cette petite vieille qui n’arrive à faire que des nappes ? Ces dernières elle arrive encore à les faire car il faut couper droit et faire des carrés.

Paradoxalement, je constate que sur le lit de la tante Clara il y a un carré de tissu. Elle a l’aire inquiète, depuis longtemps Clara a son petit business avec Madame Ruth et ce pour cela qu’elle espère nous convaincre des habilitées de la couturière, et ainsi nous faire acheter les pyjamas. 

La fille de Madame Ruth est chargé de garder notre chat Jacobo depuis quelques jours. Avant d’arriver chez les tantes, ma sœur est passée le visiter et a constaté qu’il n’avait pas de l’eau courant à sa disposition.

Enfin, je décide de me déplacer vers la cuisine et vérifier ce qui nous prépare la tante Magola. A l’entrée, je découvre un plat plein de « patacones »[1] et il est donc impossible de n’est pas en prendre un ou deux pour faire passer la faim. Lorsque je goûte le premier, les larmes montent aux yeux. Les « patacones » ont un goût à œuf pourri.

De l’autre côté de la cuisine je vois la tante Magola en train de touiller énergiquement une soupe, elle rajoute un peu près de deux kilos d’olives marrons. Je sens mon ventre se tordre dans tous les sens, seulement en imaginant le goût de ce mélange acide et particulier. Olives si, en soupe c’est hors de question ! Accompagnées de « patacones » avec un gout d’œuf pourri, encore moins.

La tante Magola met toute son énergie dans la préparation de ses recettes, artiste frustrée elle utilise son imagination pour donner de la couleur aux assiettes qu’elle nous propose. Malgré le goût étrange qui peut avoir le rendu, cela n’a pas l’air de la perturber et donc d’innover en permanence. Au cours des années plusieurs d’entre nous sommes tombés malades ou avons développé des allergies alimentaires à cause de ses preparations.

Je sors discrètement de la cuisine et je vais chercher ma cousine Sofia pour lui raconter ma découverte, je veux qu’elle trouve une excuse pour qu’on puisse s’échapper et aller manger quelque chose avant de passer à table ; mais elle continue avec son histoire de pyjamas car Madame Ruth a  déjà commencé à couper les pantalons…


[1] Des écrasés de banane plantain vert, frits.

Publié par Mi vida en cuatro tiempos

Escribo para responder a la necesidad creativa de compartir reflexiones, aventuras y algunas historias personales. J'écris pour exprimer plein d'idées ou de réflexions qu’occupent ma tête quotidiennement. Ce Blog contient aussi quelques histoires personnelles.

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