HELP! The Police is coming…

Il y a plus d’une semaine, j’ai consacré quelques lignes à une réflexion à propos des scandales de corruption, d’écoutes illégales et d’abus commis par les Forces Armées et de Police colombiennes[1]. Des faits sombres qui sont dévoilés avec une fréquence préoccupante.  

Mais depuis dix jours, nous assistons à nouveau à des faits de violence policière aux Etats-Unis. Une violence récurrente envers les africains-américains et dont le dernier épisode, concerne l’assassinat de George FLOYD sous les genoux d’un policier.

Cet assassinat a fait sortir massivement dans les rues de l’union américaine des populations toutes confondues qui ne supportent plus ce cycle de violences. Dans les jours suivants, d’autres manifestations et rassemblements ont eu lieu dans d’autres pays, souvent devant les ambassades étasuniennes comme un geste de soutien envers les afro-américains, utilisant la consigne #Black lives matter ou encore #Justice for George Floyd.

Dans d’autres cas comme en France les manifestants qui réclamaient devant les palais de justice à Paris ont brandi le slogan « Justice pour Adama ». La défense et la famille d’Adama Traoré cherchent à prouver par les contre-expertises médicales la responsabilité des policiers dans la mort du jeune Adama le jour de son interpellation-décès.  

Certains d’entre nous avons uniquement la parole pour exprimer le sentiment d’indignation face aux abus et bavures policières. Même si la conjoncture Coronavirus interdit temporellement les manifestations, dans les pays démocratiques nous n’avons aussi ce recours pour montrer notre désaccord à grand échelle. Or, le renforcement des CRS, l’usage des gaz lacrymogènes et des armes « non létales » de façon habituelle finissent par nous faire peur et par restreindre notre liberté de protester. Certains d’entre nous avons peur de sortir et de ne pas rentrer, de subir de menaces, de finir borgnes, en résumé de cumuler des blessures physiques si douloureuses que les morales.

La population a peur car nous sommes seuls devant eux armés et visiblement sous couvert d’impunité. Même se décider à porter plainte devient un risque. Nous sommes susceptibles de vivre une revictimisation, de subir le racisme, et même de la dissuasion de porter plainte.

Les policiers, à différence de ce que certaines personnes pensent, ne sont pas des milices payés par l’Etat pour rétablir l’ordre à tout prix. Le rôle de la Police est aussi celui de veiller à la sécurité des personnes, des biens et des institutions. Elle n’a qu’un rôle répressif, elle doit utiliser ses moyens dans des démarches préventives, elle se doit de créer de ponts avec les citoyens, d’être médiateurs et non exclusivement de guerriers.

Or, certains policiers paraissent avoir oublié qu’ils doivent protéger toutes les personnes, sans exception, alors que les discours fascistes, racistes, misogynes, homophobes, se renforcent, comme cela a été présenté dans l’enquête de Mediapart et dans un extrait posté sur le site d’Arte Radio[2].

« …Persuadés de l’imminence d’une « guerre raciale », pour laquelle ils affirmaient stocker des armes, ces policiers (titulaires et « adjoints de sécurité », les emplois-jeunes de la police) accablaient d’injures tous les « ennemis de la race blanche » : les femmes (des « putes », même les policières), les Noirs (des « nègres »), les Arabes ( des « bougnoules »), les gens du voyage (des « putain de manouches »), les Juifs (des « fils de pute » qui « dirigent le pays » en compagnie des « gauchistes »), les homosexuels (des « pédés »). « Pour vivre heureux, vivons casher », plaisantaient entre eux ces policiers, soucieux de rester discrets sur leurs échanges. »[3]

Quel type de personnes sont recrutées pour garantir l’ordre et la paix de nous tous ? Quel type de formation et de suivi aux droits humains sont fournis ? A quelle fréquence ? Comment se réalise l’échange avec des policiers et la population issus de la diversité ? Comment identifier les comportements intolérables, violents, déplacées, hors la loi ?

La population qui confronte les abus devient une cible, les persécutions non seulement proviennent de la part de ces institutions, mais de la part d’acteurs politiques qui en quête de popularité se lancent dans des discours populistes de défense des infracteurs, des autorités violentes et abusives. Dans les meilleurs de cas il y a une condamnation morale, ou des suspensions transitoires, mais à quoi bon si les institutions ne sont pas en mesure de punir effectivement les infracteurs ?   

Identifier les opposants comme des cibles : gauchistes, communistes, féministes, militantes défenseurs de droits humains, c’est de les mettre dans les casses historiquement utilisées pour chasser les «ennemis internes».

Pour les personnes qui défendent ces propos fascistes, il est donc tout à fait normal de faire suivre les cibles, de les écouter (sans ordre judiciaire), de les menacer et encore de les « faire taire ». Pour les acteurs qui véhiculent le patriotisme et la protection des institutions sous le discours qu’il s’agit de quelques pommes pourris ou de cas isolés cela suffit pour se conforter à l’idée que le fonctionnement des forces de l’ordre est normal et le débat et clos.   

Corruption, meurtres par violences policières, abus d’autorité ce sont des comportements que le citoyen moyen accepte de moins en moins, car les forces de l’ordre sont à notre service, rémunérées avec nos impôts, ce qu’ils semblent avoir oublié. Les messages échangés entre membres de la police française sur un groupe de Whatsapp plus que nous laisser abasourdis par leurs propos, nous écœurent. 

Les faits prouvent que ces propos et ces comportements ne sont pas isolés, ils sont plutôt habituels, presque méthodiques comme l’indique le jugement du 20 mai dernier[4] à propos des faits commis par des policiers dans le XIIème arrondissement de Paris.

«Selon le Défenseur des droits Jacques Toubon, les contrôles d’identité répétés et abusifs, ainsi que les violences commises à leur encontre, relevaient non pas d’initiatives individuelles mais d’un système, d’une « discrimination systémique ». Il demande dès lors à la justice « d’interroger le ministre de l’intérieur sur la justification […] de telles violations », sur ce « harcèlement discriminatoire » mis en place »[5].

Ces contrôles discriminatoires et abusifs s’accompagnaient de propos racistes, d’agressions physiques et de transferts injustifiés au commissariat. En décembre 2015, dix-huit jeunes ont déposé plainte, notamment pour « violences aggravées », « agressions sexuelles aggravées », « séquestrations et arrestations arbitraires » et « discrimination ». Compte tenu du caractère systématique de ce harcèlement, les victimes ont tenu à concentrer en une seule plainte l’ensemble des faits subis entre 2013 et 2015.[6] 

La question se pose alors. Aller demander de l’aide lorsqu’on ne sait pas à qui on fait face : s’agît t- il d’un de ces policiers abusifs, ou corrompus ? Où est-on des enquêtes internes qui ne finissent en rien ? Pourquoi il n’y a pas des suites connues par la population ?

Ce mutisme de la part des autorités haut placées n’aide pas. Cela est perçu comme du négationnisme comme si les institutions ne supportaient pas leur remise en question. Ceux qui brisent la loi de l’omerta sont persécutés, mutés, dégradés par leurs collègues, ou arrêtés dans la course aux promotions. Alors à quoi bon réfléchir au lieu de se limiter à obéir ?

Changer de communication notamment sur ces cas médiatiques peut aider à regagner la confiance des citoyens. Cacher l’oppression, lever le pied sur les faits dénoncés par les médias indépendants nous font penser que le pouvoir politique, économique, ou encore les grands médias traditionnels sont des complices occultes des bavures et qu’ils justifient le discours de l’ennemi interne.

Nos sociétés jouent sur la retenue depuis longtemps. En temps de guerre on nous demande de soutenir nos institutions mais lorsqu’on constate que la faille institutionnelle est bien profonde, il est plus difficile de laisser faire et de laisser passer.

Nous attendons des réactions et des procédures claires de la part des autorités et non ce jeu éternel d’attiser la haine contre les communautés issues de la diversité pour créer des émeutes, utiles à éloigner l’attention du point focal.  

Des similarités dans le traitement de l’information par les médias, qui vont se concentrer dans les casses et les violences des manifestants, servent rarement à élever le débat pour discuter sur le fond de ce dégoût envers des institutions qui perdent la crédibilité des citoyens, ou encore à propos du manque de légitimité de la police pour garantir l’ordre.

Le débat doit probablement inclure la discussion sur cette déshumanisation systématique de l’autre afin de le contrôler, de le soumettre et de maintenir le statu-quo bénéficiant une partie de la population.  

Le passé coloniale a eu des conséquences néfastes sur les peuples qu’on subit la domination, le déplacement, le pillage, l’esclavage, la torture, l’abus sexuel, la mort. Aujourd’hui, ces conséquences sont visibles et ressenties par les citoyens de « seconde et de troisième catégorie », qui subissent quotidiennement le racisme. Celui qu’alimente la discrimination et les abus des forces de l’ordre à l’encontre des populations ayant une « origine réelle ou présumée » non blanc.  

Cette manière de penser arriérée et limitée n’est pas anodine. Les traces du passé coloniale n’ont pas fait le chemin de la honte, le révisionnisme historique est aussi à la mode. Le manque d’instruction dans la formation des enfants et des adultes français à propos des abominations commises par la France en tant qu’empire coloniale n’ont pas été assez discutées, assez graphiques, assez explicites pour que l’on comprenne qu’il n’y a pas de quoi se vanter.

Les policiers qu’on peut écouter dans les audio publiés par Arte Radio, vaticinant une guerre civil entre « bougnoules et noirs » font preuve entre autres, d’un manque de vision, de raisonnement. Leur étroitesse d’esprit, leur manque de recul et de connaissance de l’histoire, même de la plus récente, les empêche de voir qu’une guerre civile n’est pas un jeu vidéo, ni un simulateur de violences.

Pensent–ils vraiment que leurs sacoches pleines de jouets militaires vont servir pour les épargner à eux et à leurs familles des atrocités d’une guerre civil ? Pensent – ils vraiment que dans ce pays les blancs ne seront pas touchés par les violences entre « bougnoules et noirs» ?

A la manière de parler de ces policiers, on penserait plutôt aux types qui s’investissaient dans les croisades, complètement ignorants et guidés par la foi dans un dieu duquel personne n’a la preuve de son existence. Ces policiers semblent guidés par leur haine et leur racisme créé à partir d’un discours de supériorité raciale faux, comme la science l’a déjà démontré.

Vraiment ces policiers pensent la France comme un pays catholique où d’autres religions et manières de voir le monde n’ont pas de place ? Ce sont eux qui n’ont pas de place dans un Etat devant lequel ils se sont engagés à défendre les principes de laïcité et d’égalité.

Peut-être qu’il faudrait repréciser aux français au moins ces deux concepts pour éviter que les discours enflammés de la droite (de toutes les couleurs) ne véhiculent pas des idées erronées sur ce qui implique la laïcité; et pour éviter que l’égalité soit appliquée de façon aléatoire, discrétionnaire.  

Après le régime fasciste Italien, le nazisme allemand, la mise en place de l’Apartheid en Afrique du Sud, tous des régimes bâtis sur l’obsession d’établir la supériorité des blancs. Après d’avoir constaté les affreux dégâts de ces expériences, ces racistes n’ont toujours rien compris ?

Rajouter du kérosène à cette mèche déjà allumée tant en France comme dans des nombreux pays où le système économique et les conditions sociales se dégradent tous les jours, n’est pas souhaitable.

Mais faut – il continuer à se taire à propos des de violences policières systémiques ? Ou plutôt il temps de se souder les coudes et ensemble remettre en question la continuité des institutions dysfonctionnelles ? Des réformes profondes et un vrai engagement de part de la justice sont plus que nécessaires. Personne ne veut entendre des reformes cosmétiques, ni des procès cachés – internes qui favorisent l’impunité.

Va-t-on encore restreindre nos libertés sous l’excuse de maintenir ce qui visiblement ne fonctionne plus ? La vérité c’est que la montée de la grogne n’est pas injustifiée et que la colère ne cessera sans que des engagements réels soient envisagés par les pouvoirs publics. Même les bateaux les mieux construits ne sont pas insubmersibles.   


[1] https://mi-vida-en-cuatro-tiempos.com/2020/05/19/la-gran-manzana-podrida

[2]https://www.arteradio.com/son/61664080/gardiens_de_la_paix?fbclid=IwAR0vUCKfwhIqHYX5l1ZEse7Vr6pKsWRX8r5mLi2EVoV5UO-5t–9ElcbbXY

[3] https://www.mediapart.fr/journal/france/040620/bougnoules-negres-fils-de-pute-de-juifs-quand-des-policiers-racistes-se-lachent?page_article=1&fbclid=IwAR2w0QqAqGj_rqs_O_wmZ44lzhMT0j9OcyxAl9UywDhTwMcKkFeAMiOOvWw

[4] https://www.mediapart.fr/studio/documentaires/france/police-illegitime-violence-chronique-des-abus-ordinaires-contre-les-indesirables

[5] https://www.mediapart.fr/journal/france/020620/le-defenseur-des-droits-denonce-la-discrimination-systemique-pratiquee-par-la-police

[6] Idem

Publié par Mi vida en cuatro tiempos

Escribo para responder a la necesidad creativa de compartir reflexiones, aventuras y algunas historias personales. J'écris pour exprimer plein d'idées ou de réflexions qu’occupent ma tête quotidiennement. Ce Blog contient aussi quelques histoires personnelles.

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